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Crédits photos: Cottonbro Studio
L’univers des réseaux sociaux secoue nos vies, les robots se manifestent sous plusieurs formes et bien sûr, les effets de la COVID-19 nous isolent plus que jamais. Est-ce que le désir humain de connaissance et d’innovation est allé trop loin? Allons-nous franchir le cap où notre fixation sur le monde virtuel nous fera perdre notre existence organique? À l’égard des différentes questions éthiques qui planent sur notre société, en raison des avancées technologiques polarisantes, telles que le très critiqué ChatGPT ou tout simplement TikTok, l’équipe d’Archives se questionne sur l’impact de l’ère du numérique sur les chrétiens et chrétiennes, ainsi que sur les leçons à en tirer pour nos vies. Vous distinguerez dans ce dialogue inédit un échantillon de profil de deux chrétiens distincts et l’impact des technologies sur leur vie.
Naïka, 26 ans, journaliste et spécialiste des communications, les réseaux sociaux font une partie intégrante de sa vie, il lui est même impossible de faire une pause des réseaux. David, 31 ans, analyste d’affaires dans une firme privée, éternel amoureux de nature et plein air, est très peu présent sur les réseaux, pour ne pas dire qu’il les évite. Découvrez la dualité de leur vie virtuelle et spirituelle.
L’objectif de ces écrits n’est pas nécessairement de vous apprendre quelque chose de nouveau, mais bien de vous plonger au cœur de la crise existentielle sur les technologies et les réseaux sociaux à travers la perspective de deux chrétiens. Peut-être que vous vous reconnaîtrez dans cet échange, ou peut-être que vous ne serez pas du tout d'accord.
Naïka: Je crois que je ne me suis jamais vraiment posé la question avant la dernière année sur les risques que posait l’univers du numérique. Je pense que le concept des réseaux sociaux c’est tellement quelque chose d'inné en moi que j’ai moins cette crainte comparée à une grande partie de la population. Je ne suis pas encore certaine aujourd’hui si c’est dû à mon ignorance et mon innocence face au sujet, ou au contraire, si c’est le fruit de ma culture grandissante en médias numériques. Je crois que ce qui me fait le plus peur des réseaux, c’est les collectes de données qui se font à notre insu. Nos données personnelles sont une mine d’or pour quiconque de nos jours et combien même nous prenons toutes les précautions nécessaires, rien n’est totalement sécurisé.
David: [ Les avancées ] ne me font pas nécessairement peur parce que je comprends un peu ce qui se passe dans les modèles d’intelligence artificielle (IA) qu’on appelle. Vu que je comprends ce que ça fait, ça ne me fait pas vraiment peur. [Ce que je crains par rapport] aux avancées technologiques du côté des médias sociaux, c’est que ça nous isole de plus en plus de la réalité et les gens ne savent plus comment [se comporter] dans la vraie vie contrairement aux générations passées. Les gens ont de la misère à rencontrer du monde et créer de vraies connexions.
N Instagram assurément… J’ai l’impression que cette application a même pris l’emprise de ma vie, c’est épouvantable. Je communique avec tout le monde dessus, mon 9 à 5 me demande de tout le temps en faire usage, mes projets personnels sont développés dessus, je partage ma vie entière en stories, etc. Le pire, c’est que je ne souhaite pas m’en détacher. Je suis effrayée à l’idée de passer une journée sans ouvrir la plateforme. Toutes les autres applications ou technologies, je pourrais très facilement m’en séparer. Instagram apporte beaucoup à ma créativité, à ma connectivité avec des gens dans mon milieu et tellement plus, mais il y a aussi pas mal de points négatifs sur ma vie et je vous épargne les détails.
D Reddit et Instagram. Reddit parce que c’est comme un ciel de la curiosité, you know? [ Tout ce qui te rend curieux ], il y a quelqu’un qui pose les questions et tu peux aller LOIN dans les commentaires pour avoir plus de gens qui eux aussi sont curieux par rapport à ces mêmes questions. Tu peux juste te perdre dans Reddit, il y a juste tellement de sujets. C’est comme un Wikipédia fait par des gens, mais sans sources vérifiées. En même temps, des fois ça t’apporte plus de connaissance que, par exemple, Instagram genre. Sur Reddit, tu t’abonnes pas à une compagnie ou une personne, tu t’abonnes à un sujet (les subReddit). C’est pour ça que c’est mon préféré, mais ce n’est pas nécessairement mieux que les autres.
D Ça dépend de ce que le gouvernement fait en fait…[Déjà], les gens, sans barrières sur les réseaux sociaux, sont impuissants face à la tentation [la majeure partie du temps] d’aller sur les réseaux sociaux parce que c’est tellement addictif. C’est dopamine après dopamine et ton cerveau s’habitue. Si je te donne en exemple un pays comme la Chine – je ne suis pas un pro-Chine en passant – ils ont remarqué que les réseaux sociaux rendent les gens addictes, alors ils ont limité le temps [d’utilisation de leur population]. Nous on ne fait pas ça parce que c’est « liberté! Chacun fait ce qu’il veut ». La vie ne fonctionne pas comme ça, on a besoin de barrières. C’est la même chose avec ChatGPT, s’il n’y a pas de barrières par personne, on va sûrement finir avec le négatif de [cette technologie]. Cependant, les gens sont plus « réveillés » par rapport [au pouvoir] des réseaux sociaux. Par exemple, entre 2008 et 2016, tout le monde se disait que c’était la meilleure chose au monde, il n’y avait aucun problème. Maintenant, les gens sont beaucoup plus [éduqués] sur ce sujet qu’avant.
N Tant que Dieu existe, je ne crois pas que « nos moyens justifient notre fin », si je peux me permettre ce remodelage d’expression. En tant que société, on a tendance à extrapoler notre contemporanéité. À chaque nouvelle avancée technologique, la peur nous empare et les critiques s’en suivent. En sociologie, c’est un phénomène qu’on appelle panique morale. Très probablement qu’à l’époque où les tout premiers phonographes sont arrivés sur le marché dans les années 40, les mélomanes craignaient la fin des concerts musicaux en salle. L’intelligence humaine est bien trop puissante pour rester enfermée dans le virtuel. Telle une baleine en mer, nous avons toujours besoin de remonter à la surface pour prendre un peu d’air.
D Je pense qu’il y a beaucoup de chrétiens qui portent trop d’attention aux réseaux sociaux. C’est comme tout le monde, quand on a Instagram au début, on met des photos qu’on aime et on observe qu’on a des likes pour certaines photos plus que d’autres. Tu perds un peu ta personnalité là-dedans. En tant que chrétien, tu peux facilement t’emporter dans ce jeu. Il y a beaucoup de chrétiens qui optimisent leur Instagram pour show off leur chrétienté [c’est contre productif]. Pourtant, je ne pourrais pas te dire si ça m’encourage dans ma foi ou non. Je ne sais pas si ça m’influence plus à aller à l’église.
N Je me vois mal vivre sans les réseaux sociaux, alors j’ai commencé à penser à comment ma foi pouvait en bénéficier. J’ai eu la chance de découvrir 2-3 comptes qui font la promotion de la foi d’une manière très créative et futuriste. J’adore le design graphique et un compte qui m’a personnellement beaucoup inspiré est @prochurchmedia sur Instagram. Je crois que c’était la première fois que j’ai été témoin d’une présence chrétienne sur cette plateforme et ça m’a fait tout un choc! Je suis une fille qui se nourrit d’art et de culture, et j’ai toujours eu cette impression que la vie chrétienne ne se mélangeait pas avec ces sphères. Expérimenter la chrétienté à travers l’art numérique m’a inconsciemment impacté. J’ai pu comprendre que Dieu se retrouvait assurément dans tous mes champs d’intérêt avec un peu d’imagination! Je crois qu’en général, la chrétienne que je suis dans le monde réel se manifeste similairement dans le monde virtuel.
